lundi 19 octobre 2009

Théorie du compot?

« Citoyens de Cauth (…) REVOLTEZ VOUS !!!!!! (…) » Tarn coupa le son du projecteur holographique portable qu’il avait avec lui durant sa quarantaine. Cela faisait une quinzaine de minutes qu’il projetait en boucle le message de la « cellule résistante inconnue ». Il y avait donc une cellule révolutionnaire en ville. Voilà qui donnait une nouvelle dimension aux évènements des semaines passées.

L’assassinat de Nivari Tezca et le vandalisme à la Mairie avaient tous deux été attribués à la « Rébellion » - enfin, plus précisément, à de « sales rebelles ». Il était fort à craindre que la garnison Impériale ne commence à faire sa propre enquête sur ces incidents et, forte de sa prérogative en matière de lutte contre le terrorisme, n’ordonne la loi martiale pour une durée indéfinie. Tarn était bien placé pour savoir que l’Alliance n’avait, en fait, rien à voir avec ces deux incidents : il ne les avait pas ordonnés. Mais il était inquiet que l’enquête ne débusque par inadvertance l’existence de la réelle cellule Rebelle en ville – par ailleurs, l’Alliance avait, dans cette affaire, un risque de réputation certain et il était hors de question qu’elle soit le bouc émissaire de vulgaires méfaits.
Jusqu’à présent, il hésitait entre deux hypothèses. Soit les deux incidents étaient entièrement séparés ; l’assassinat de Tezca, qui avait des liens avec le Milieu, relevant du règlement de compte, et le vandalisme était le fait d’une rébellion adolescente. Soit les deux incidents étaient liés et il fallait y voir une tentative de sape contre l’autorité du maire, Loohy Arken, avec une sérieuse remise en cause de sa gestion en matière de sécurité. Dans ce dernier cas, le bénéficiaire serait un rival politique ou bien uns des services spécialisés de l’Empire en matière de déstabilisation – COMPNOR ou le BSI.

Il n’avait pas envisagé l’existence d’une cellule révolutionnaire. Était-elle responsable des incidents précédents ? L’hypothèse était possible. A tout le moins, le vandalisme. En ce qui concernait l’assassinat, après tout, des groupes anarchistes avaient, en d’autres lieux et à d’autres époques, commis des meurtres. Rien d’impossible donc à cela. Dans tous les cas, il y avait là un moyen d’écarter le soupçon sur l’Alliance – et si les « révolutionnaires » ne souhaitaient que de la publicité, ils allaient bientôt recevoir le crédit d’actes passés.

Pourtant, il ne pouvait pas non plus écarter l’idée que la « cellule révolutionnaire inconnue » ne fasse pas partie d’un plan de déstabilisation. Au lieu de la considérer comme une explication aux évènements, l’inclure dans les évènements. Une troisième occurrence contre Madame le Maire. A son soulagement, l’Alliance n’était pas citée dans le communiqué affaiblissant d’autant la thèse du « complot Rebelle » à Cauth Bodva.

Il restait néanmoins à identifier qui se cachait derrière la fameuse « cellule inconnue »…

...Tarn interrompit ses réflexions à la suite du premier message. Un deuxième arrivait. Plus d'informations, mais plus de doutes aussi...

« Et voilà comment on infirme une hypothèse », maugréa-t-il. Le second message apportait de nombreux nouveaux éléments ; tantôt positifs pour l’Alliance, tantôt négatifs. La bonne nouvelle était qu’avec deux messages, une analyse plus approfondie était possible. Il serait bien temps d’énoncer de nouvelles hypothèses à l’issue.

Il fit projeter le message en forme de texte, surligna en jaune les termes identifiant la cellule, en bleu les termes identifiant les destinataires, le reste du texte fut terni de gris. Il apparaissait désormais clairement que le second message parlait tout autant de la cellule que des habitants de Cauth Bodva alors que le premier était strictement adressé aux citoyens. Il entoura quelques termes, « pour le moins », « néanmoins », « toutefois », « sans toutefois ». Autant de termes absents du premier message. Là où le premier message exhortait, le second message raisonnait…peut-être même, se justifiait.

Il s’intéressa alors au message. Ou plutôt, aux messages…

- La mise en garde contre des expérimentations génétiques, la complaisance du corps médical, la compétence du Dr. Wolf – « charlatans qui s’octroient des connaissances médicales » ;
- L’appel à la désobéissance civile, voire à la résistance passive / active ;
- La notion d’un « agenda caché » ;
- La question d’une radicalisation Impériale dans le Secteur ;

Autant le premier message contenait un objet précis, autant le second révélait un fond paranoïaque. Il aurait pu s’agir d’un avertissement de la part d’une personne informée, mais au final, « les raisons sont nébuleuses », « l’éventualité », « une donnée (…) opaque », « pas entièrement impossible », « sans pouvoir la nommer » tendaient plutôt à confirmer que l’auteur du message craignait quelque chose, sans savoir quoi exactement.

En revanche, l’auteur s’était donné du mal pour faire croire qu’il était étranger à la ville, mais dans sa précipitation, avait trahi une connaissance intime de cette dernière. Pour commencer, il appelait la ville par son surnom, « Cauth », ensuite, le premier message était une attaque dirigée contre un médecin de la ville, par ailleurs, savoir que les personnes infectées de la peste étaient d’âge mûr présupposait qu’il les connaissait ou avait eu connaissance de leurs apparences. Tarn s’interrompit un instant « je ne crois pas être passé sur l’HoloNet ». Le second message confortait cette idée. Le Secteur Raioballo où se situaient Dantooine et donc Cauth Bodva comprenait un millier de mondes. Or, mettre en garde les habitants d’une ville contre une menace sectorielle, n’avait pas de sens. L’Empire dans le « secteur » en question, était probablement à l’échelle de Dantooine ou bien encore plus précisément, la garnison Impériale.

La migraine commençait à se faire sentir. La phase deux des symptômes de la peste. Il se leva et alla au placard à pharmacie pour y prendre un analgésique. « Si je dois y rester », pensa-t-il, « autant mettre tous mes efforts pour préserver la cellule ».

Il lut encore les deux messages. Le premier faisait appel à l’esprit souverain, au besoin de garder les yeux ouverts. Le second s’habillait de grands principes : libre expression, liberté politique. Le nom même des révolutionnaires avait évolué, de « cellule résistante inconnue », il devenait « cellule résistante anonyme ». De l’absence de connaissance à l’absence de nom. La « cellule » s’était transmutée – en épousant une cause plus grande, elle avait acquis une connaissance et cherchait donc ‘à se faire un nom’. Littéralement.

Quelque chose lui déplut. S’il s’agissait bien d’une « cellule », elle devait donc d’ores et déjà appartenir à un organisme – ou dans sa traduction administrative – un organigramme. Or les organismes ou organisations disposent de nom. Personne n’avait jamais rejoint le « mouvement anonyme ». Cette cellule là dissimulait donc son allégeance réelle ou bien était réellement l’incarnation d’un délire personnel. Un être se voyant en cellule.

« Les seuls barreaux sont ceux de l’esprit ». L’auteur était peut être bien dans un genre de « cellule », mais si c’était le cas, il n’en sortirait jamais.
Pourtant, un élément retînt son attention. « (…) émet une dernière fois ». Les délires paranoïaques se limitaient rarement dans le temps, pensa-t-il. Or la volonté manifeste de cesser les émissions était indubitable. Parallèlement à cela, il était difficile de ne pas penser à une mise en scène. ‘Mon adversaire me cherche et, oh, il me trouve, je cesse d’émettre’ qui était le ressort le plus classique des conteurs.

Néanmoins, il fallait rester vigilant, qu’elle fut constituée d’un membre unique ou d’un groupe de personnes, la « cellule » disposait d’une capacité réelle à slicer l’HoloNet. Compétence informatique, donc.

Tarn ferma les yeux quelques minutes pour ce concentrer. Il avait la sensation de commencer à cerner l’auteur des messages. « Un conteur, qui souhaite me faire penser qu’il y aurait un lien entre expérimentation médicale et radicalisation de l’Empire, sans pouvoir me donner une seule preuve, ni dire qui il est. Il veut me faire dire, ‘mais quoi donc ?’ ‘Qu’a-t-il bien pu se passer ?’ ».

Il se surprit à penser qu’il y aurait prochainement un troisième message. Emanant d’un « ami » si le conteur souhaitait faire croire à une attaque couronnée de succès, syndrome du martyr ; ou bien émanant d’un « rescapé » pour accentuer le côté « sauveur ». Ce message contiendrait deux éléments distincts, d’une part une information critique sur la « cellule anonyme » - l’information qui permettrait de la nommer et d’autre part, un élément visant à conforter l’idée d’une manipulation médicale soutenue par l’Empire, sans toutefois être capable de donner une information vérifiable et précise.

Il était enfin en mesure d’émettre une hypothèse : une ou plusieurs personne en état de rébellion – mais non politique celle là – vivaient à Cauth Bodva et s’apprêtaient à commettre d’autres actes. Du vandalisme à la Mairie à la dissidence électronique.

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